• Le petit théâtre de Marie-Antoinette

    Le petit théâtre de Marie-Antoinette

    par Elisabeth Bouvet

     

    Portrait de la reine Marie-Antoinette, dit "à la rose", par Elisabeth Vigée Le Brun. © Photo RMN

    Portrait de la reine Marie-Antoinette, dit "à la rose", par Elisabeth Vigée Le Brun.
    © Photo RMN

    De la jeune fille autrichienne « peu encline au sérieux » à la reine de France montant sur l’échafaud, le parcours de Marie-Antoinette (1755-1793), épouse de Louis XVI, fait l’objet d’une importante exposition au Grand Palais à Paris, une exposition moins historique cependant qu’artistique. Marie-Antoinette rassemble quelque 350 pièces qui évoquent le goût de la reine à une époque où l’art français est à son sommet et qui racontent aussi le destin d’une femme dans une mise en scène qui n’aurait sans doute pas déplu à l’intéressée, grande fan de théâtre. Marie-Antoinette, tragédie en 3 actes (les années de formation, le temps de l'émancipation puis celui du destin) qui se donne à voir jusqu'au 30 juin.

     

    Se promener dans l’exposition Marie-Antoinette, c’est un peu comme arpenter les différents décors d’une seule et même pièce de théâtre. L’illusion est totale, et cela dès l’entrée où le prénom de la reine, biffé sur le mur extérieur de l’espace dédié à l’exposition, se lit comme le titre d’un drame.

    Une mise en scène somptueuse

    Gobelet (sans soucoupe) du service de la Laiterie de Rambouillet.© Photo RMN / Martine Beck-Coppola

    Et de fait, le visiteur-spectateur est d’emblée séduit, ébloui par le soin apporté au cadre, à sa magnificence comme un hommage appuyé à la fois aux frasques de la dernière reine de France et à son destin hors du commun.

     

    « Robert Carsen, le metteur en scène d’opéra qui a signé la scénographie, a parfaitement compris ce que nous lui avions demandé, c'est-à-dire de ‘dramaturgiser’ une histoire célèbre à travers des objets artistiques car ce n’est pas une exposition historique », commente le directeur du château de Versailles, Pierre Arrizoli-Clementel, co-commissaire de l’exposition.

     

    A chaque période, une couleur, des enfilades de pièces, un décor d’opéra champêtre pour le Petit Trianon, des miroirs, beaucoup de miroirs y compris brisés à l’image du destin de l’«Autrichienne », un long corridor sombre en guise de couloir de la mort, bref c’est bluffant.

    « Et au fur et à mesure que l’on avance dans cette espèce de décor, reprend Pierre Arrizoli-Clementel, on découvre petit à petit les trésors qui ont été accumulés par cette personne qui a beaucoup dépensé, sans aucun doute, mais pour le plus grand bien de l’art français puisque c’est une période unique, la plus belle peut-être de tous les siècles car quand on parle à l’étranger d’un style français, c’est celui-là que les musées américains s’arrachent ». Le fameux style « Marie-Antoinette », et non pas Louis XVI, grâce auquel, « on donne à voir une idée assez juste du personnage qui a été tellement adulé, tellement haï aussi.

     

    C’était une personne qui était certainement inconsciente de certaines choses qu’elle faisait mais qui avait un goût certain. Elle a été l’instigatrice d’une floraison du goût particulière à la France à cette période-là ». C’est du reste en musique que se déroule la visite à Marie-Antoinette, la première depuis 50 ans, la précédente exposition dédiée à la reine remontant à 1955.

    Marie-Antoinette, future reine de France

    Marie-Antoinette en grand costume de cour (1778), par Elisabeth Vigée Le Brun. © Kunsthistorisches Museum.

    Et ça commence tout naturellement à Vienne, au château de Schönbrunn où Marie-Antoinette, fille cadette de Marie-Thérèse d’Autriche voit le jour le 2 novembre 1755. Et déjà, au milieu de ses 14 frères et sœurs, celle dont on loue volontiers la grâce tout en stigmatisant son peu de sérieux, affiche sa différence. « Sur le dessin de Jean-Etienne Liotard datant de 1762, le regard de la jeune Marie-Antoinette semble nous dire, ‘Je suis moi’ », confirme Pierre Arrizoli-Clementel.

     

    Un port de reine qu’elle sera effectivement bientôt. Promise au duc de Berry, futur Louis XVI, elle rejoint la France en 1770 sous les vivats des sujets de Louis XV, fascinés par la beauté, la grâce de l’adolescente. Imprimés et gravures à l’effigie de « notre » future reine s’arrachent tandis que l’enfant suit à la lettre (épistolaire) les conseils de sa mère qui cherche à en faire un pur produit de cour. A Versailles, la jeune fille se languit de trouver un artiste qui parvienne à rendre son image.

     

    Ce n’est qu’en 1779 que Marie-Antoinette, devenue reine en 1774, peut enfin envoyer à l’impératrice son portrait officiel peint par Elisabeth Vigée Le Brun (1755-1842), portraitiste désormais attitrée de la première dame du royaume.

    Marie-Antoinette et son image

    Paradoxalement, c’est au moment où son image lui plait que celle-ci va commencer à déplaire aux Français. En 1780, Marie-Thérèse d’Autriche meurt, Marie-Antoinette est libérée et peut enfin s’affirmer. Au risque de l’incompréhension. Témoin, ce tableau de la même Mme Vigée Le Brun représentant la reine à cheval, non plus en amazone mais à califourchon. Scandale aussitôt. Au peu de respect dont elle fait montre pour l’étiquette, s’ajoute une passion immodérée pour le « dernier cri ». On parlerait d’elle aujourd’hui comme d’une fashion victim, et, note Pierre Arrizoli-Clementel, « elle ferait la Une de tous les magazines de mode ».

    De ce point de vue, la manière dont Robert Carsen a habillé la rotonde où se trouve l’escalier en colimaçon qui sépare les deux étages de l’exposition est on ne peut plus éloquente : aux murs, des vignettes représentant Marie-Antoinette sous ses différentes perruques. Coiffure à l’hérisson, coiffure au chien couchant, coiffure sans espoir, coiffure à l’indienne, coiffure à la belle poule, coiffure à la félicité… Une débauche d’appellations et de coupes qui en disent long sur ses audaces en matière de mode et sur sa passion (coupable, lui reprochera sa mère) pour le déguisement, le jeu.

     

    Table à écrire, 1784, Adam Weisweler© Photo RMN / Daniel Arnaudet

    Mais c’est au Petit Trianon, que lui offre Louis XVI en 1774 qu’elle se laisse définitivement aller aux audaces de la mode et à son penchant pour le raffinement.

     

    Là, dans ce décor pastoral, elle sollicite les plus grands créateurs et architectes de son temps pour meubler, aménager, intérieurs et jardins. On y retrouve ce penchant pour l’exotisme déjà présent dans les salons viennois de Schönbrunn parallèlement à l’émergence d’un style qui, tout en empruntant à l’Antiquité et à un goût prononcé pour les fleurs, s’oriente vers des formes plus modernes.

     

    Pièce maîtresse de cet espace tendu de vert, « le bureau cylindre en nacre qui vient d’être restauré après avoir été repêché en Inde, dans les années 50 » de Jean-Henri Riesener qui réalisa pour Marie-Antoinette les meubles les plus extraordinaires.

    Au Petit Trianon, bientôt rebaptisé « La petite Vienne », Marie-Antoinette dicte ses propres règles, échappant ainsi aux contraintes liées à son rang de souveraine. Mais contribuant du même coup à fragiliser un peu plus encore son image. Les portraits qui seront commandés à la fin des années 80 pour tenter de corriger cette perception et représentant la reine entourée de ses enfants n’y changeront rien. Sa réputation est même définitivement ternie en 1784 avec l’affaire dite du « Collier de la reine ». Pour le peuple, Marie-Antoinette n’est plus que « Madame déficit »…

    « Nous avons fait un beau rêve, voilà tout »

    Chemise de Marie-Antoinette pendant sa détention.© Carnavalet/ Roger Viollet.

    Chemise de Marie Antoinette lors de sa détention

    …et même bientôt « l’Autrichienne » quand survient la Révolution, en 1789. Dès lors, la reine se voit accusée de tous les maux, est l’objet de toutes les calomnies. C’est dans une atmosphère sombre et pesante que se termine le parcours de l’exposition, quand rattrapée par le destin, Marie-Antoinette qui ne rêvait que de liberté n’est plus que cette prisonnière qui, au petit matin du 16 octobre 1793, sera guillotinée sous les yeux de David qui prend un malin plaisir à la représenter assise les mains attachées derrière le dos, droite et digne, dans le charriot qui la mène à l’échafaud.

     

    Avant cette ultime représentation de l’ex-reine (la monarchie est tombée le 10 août 1792), le public aura pu lire sa dernière lettre - dans un français parfait qui n’a rien à voir avec ses premières missives envoyées à sa mère -, l’une des chemises qu’elle portait, son missel, les meubles modestes qui constituaient son intérieur à la Conciergerie, des relevés de blanchisserie ou encore son serre-tête.

    On y lit aussi, écrit sur les parois de ce couloir, des extraits de certaines des lettres qu’elle envoie à des proches, amis ou famille. Les épreuves l’ont transformée, l’ont grandie.

     
    Nul apitoiement, nul misérabilisme. A la hauteur finalement de la promesse qu’elle semblait adresser du haut de ses 7 ans à Jean-Etienne Liotard, trente et un ans plus tôt.
     
     
    sources

    Le petit théâtre de Marie-Antoinette

    par Elisabeth Bouvet

    http://www.rfi.fr/culturefr/articles/099/article_63918.asp

     

     

     

     

     

     
    « La marchande de laitJean Duplessis-Bertaux (1747-1819) »
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