• Les Perruquiers au XVIIIè siècle


     

     Louise Vigée lebrun (à la manière de)

      

    (Photo Europ Auction - Antoine Vestier )

      

    Le dix-huitième siècle fut un âge d'élégance. Jamais dans l'histoire nous voyons des hommes et des femmes si minutieusement artificielles, si très loin de leur apparence naturelle. Ce qui ne pouvait pas être fait avec les cheveux naturels a été fait avec des perruques. Cette époque fut une explosion extravagante de coiffures étonnantes, une réaction totalement opposée à la pudeur et à la réserve des siècles antérieurs.

     

    Pastel XVIII att. Louis Vigée(Photo Tajan - Attribué [injustifiée] à Louis Vigée) 

    Les coiffures étaient en concordance avec le style "Rococo", qui était le plus important presque jusqu'à la fin du siècle. C'était un mouvement artistique dans lequel les courbes en forme de "S" ont prédominé, avec des asymétries, soulignant le contraste; un style dynamique et brillant, où les formes intégrant un mouvement harmonieux et élégant.

     

    Enfant Boyer Fonfrede Perronneau en habit de hussard copie (Photo Piasa - enfant [Jean?] Boyer-Fonfrède d'après Perronneau)

       

    Un style concordant avec une époque de nouvelles idées philosophiques, comme celui des Lumières, et avec l'affluence de richesses économiques qui arrivent en Europe par les voyages vers le nouveau continent, l'Amérique.

     

     John Raphaël Smith portrait du portraitiste Daniel Gardner Sotheby’s 07 2009 Londres(Photo Sotheby’s John Raphaël Smith portrait du portraitiste Daniel Gardner)

      

      

    On crée de nouveaux ordres sociaux; en plus du clergé et de la noblesse, une bourgeoisie forte de nouveaux riches est apparue qui s’est positionnée dans les sphères sociales et politiques, imitant en tout les coutumes des nobles.

      

    Un style conforme à une époque dans laquelle la science s'émancipe de plus en plus de la religion, obtient des réussites spectaculaires et développe en conséquence une technologie qui ouvrira les portes à la Révolution Industrielle. Les gens de cette époque croyaient qu'ils vivaient dans le meilleur des mondes.

     

     

    Pastel ovale D Collin 2011 06
    (Photo Delorme & Collin du Bocage - portrait d'un abbé)  

     

    À la fin du siècle, les styles artistiques et culturels changent; surgit un style appelé "néoclassique" beaucoup plus sobre et conservateur, avec un retour à l’esthétique Grecque et Romaine classique.

    L'utilisation de perruques chez les hommes a commencé à être très populaire à la fin du XVIIe siècle, durant le règne, en France de Louis XIV, le Roi Soleil. Toute sa cour s’est mise à utiliser des perruques, et comme la France dictait la mode de l'Europe à cette époque, son usage s’est étendu aux autres continents. En 1680 Louis XIV avait 40 perruquiers qui dessinaient ses perruques dans la cour de Versailles.

     

    Photo Jean Chenu, Antoine Bérard et François Perron - autoportrait d'Antoine Berjon 1780)

      

    Dès 1770, l'usage des perruques s’est aussi étendu aux femmes. Et à mesure que les années passaient, les perruques sont devenues plus hautes et plus élaborées, spécialement en France.

      

      L'art de la coëffure des dames françoises, avec des estampes by Legros de Rumigny. He was the hairdresser for the French court of the 18th century including Madame de Pompadour.

     

    Legros de Rumigny, "L'art de la coëffure des dames françoises, avec des estampes : où sont représentées les têtes coëffées, gravées sur les dessins originaux de mes accommodages, avec le traité en abrégé d'entretenir & conserver les cheveux naturels," 1768-70 (Met Museum)

      

      

    Les perruques masculines étaient en général blanches, mais celles des femmes étaient de couleur pastel, comme rose, violet clair ou gris bleuâtre. Les perruques indiquaient, par leur ornementation, la position sociale plus ou moins importante de celui qui les utilisait.

     

    De Roissy Mme Vigée Lebrun 1775(Photo Sotheby's : Elisabeth Vigée Le Brun, Mme de Roissy) 

     

    Les gens de fortune pouvaient payer, logiquement, des dessinateurs plus chers et avoir plus de variété de matériels. Elles étaient faites en général avec du cheveu humain, mais aussi avec du poil de cheval ou de chèvre. En France, la comtesse de Matignon payait à son coiffeur Baulard 24.000 livres par an pour lui faire un nouveau dessin de perruque chaque jour de la semaine.

    Vers 1715 on commence à poudrer les perruques. Les familles avaient un salon dédié à la "toilette", où elles se poudraient quotidiennement et s’arrangeaient. Les perruques étaient poudrées avec de la poudre de riz ou de l’amidon. Pour cette opération, faite par un coiffeur, on utilisait des robes de chambre spéciales et on avait l'habitude de couvrir le visage d'un cône de papier épais.

     

     

    LES BARBIERS DEVIENNENT "PERRUQUIERS":

    En plus de couper et de coiffer le cheveu et de raser le menton, les barbiers pratiquaient diverses opérations chirurgicales et extractions dentaires. En 1745 une loi, en Angleterre, leur interdit ces pratiques et les autorise seulement à couper et coiffer les cheveux.

      

    Cela provoque la ruine de nombreuses boutiques de barbiers et le manque de travail pour beaucoup d’entre eux en Europe, puisque des lois similaires sont promulguées en France et dans d’autres pays. Mais l'essor des perruques crée la demande de nouveaux professionnels: les fabricants et les dessinateurs de perruques, qui de plus se chargeront de les entretenir périodiquement, de les parfumer et de les retoucher.

      

    Déjà depuis la fin du siècle antérieur des syndicats ou des unions de coiffeurs se sont créés, et exigeaient des professionnels de payer un tarif et de présenter un examen d'aptitude pour pratiquer la profession.

     

     

    De Roissy Vigée Lebrun 1775(Photo Sotheby's : Elisabeth Vigée Le Brun, M. de Roissy [un Michel de Roissy ?]) 

     

      

    Pendant ce siècle l'industrie des perruques croît et devient importante, en créant de nouveaux travaux et sources de recettes pour une grande partie de la population.

      

    À son tour l'industrie des chapeliers est affectée, puisque les hommes cessent d'utiliser des chapeaux pour laisser voir leurs perruques et ils doivent fabriquer, de nouveaux styles de chapeaux qui peuvent s'adapter aux perruques.

      

    La majeure partie du peuple, disons 80 % de la population, n'utilisait pas de perruques, mais le cheveu naturel, sans trop de règle. Mais seul un pourcentage de la noblesse et de la haute bourgeoisie mobilisait une industrie remarquée pour l'époque.

     

     

     

    Au début du siècle, les styles de cheveux des hommes sont beaucoup plus somptueux que ceux des femmes. C'est la mode du "style Louis XIV", avec de grandes boucles et la chevelure sur les épaules.

      

    Quand le siècle se termine, la tendance est reversée : les femmes portent des perruques exubérantes, de 50 à 80 cm de hauteur et plus, qu'elles s'emploient, avec des dessins, à commémorer les célébrations et les anniversaires.

      

    Ces perruques féminines apportaient quelques problèmes: les cadres des portes avaient été surélevés ou reconstruits pour qu'elles puissent passer, et dans plusieurs occasions la pression trop lourde des perruques leur causait une inflammation au niveau des tempes.

    Legros de Rumigny, "L'art de la coëffure des dames françoises, avec des estampes : où sont représentées les têtes coëffées, gravées sur les dessins originaux de mes accommodages, avec le traité en abrégé d'entretenir & conserver les cheveux naturels," 1768-70 (Met Museum)  

    Legros de Rumigny, "L'art de la coëffure des dames françoises, avec des estampes : où sont représentées les têtes coëffées, gravées sur les dessins originaux de mes accommodages, avec le traité en abrégé d'entretenir & conserver les cheveux naturels," 1768-70 (Met Museum)

      

      

    Vers la moitié du siècle, le nouveau roi de France, Louis XV, impose un style de plus petites perruques pour les hommes et le rigoureux poudrage blanc ou de préférence grisâtre. Les hommes utilisent aussi depuis la moitié du siècle une queue de cheval sur la nuque, attachée avec un ruban, style qui devient très populaire dans toutes les cours.

      

    Les femmes continuent avec les styles extravagants jusqu'à l'arrivée de la Révolution Française, où tout le luxe et l'exubérance sont pratiquement annulés par les nouvelles idées républicaines. À partir de là, les coiffures sont plus classiques et plus simples et on recommence à utiliser le cheveu naturel.

     

     

      

      

    En réalité, malgré le fait qu'il soit amusant de penser que les femmes utilisaient ces perruques immenses dans leur vie quotidienne et aux fêtes où elles allaient, la réalité est différente.

      

    Ce type de présentation capillaires gigantesques a peut-être existé, mais seulement pour une occasion très spéciale ou pour des représentations théâtrales.

    Profile of a Lady in a Bonnet  Augustin de Saint-Aubin  (French, Paris 1736–1807 Paris). Metropolitan Museum of Art, 59.23.72. Should be "Cap"  

      

    Les perruques comme les images que nous voyons ci-dessus sont le produit de caricatures de l'époque ou d'anecdotes ou de légendes sans beaucoup de fondement. Il est pratiquement impossible de trouver dans les tableaux de peintres célèbres de l'époque ces perruques immenses.

      

    Les femmes nobles utilisaient des styles de chevelure beaucoup plus sobres et élégants, malgré le fait qu'elles étaient plus ou moins volumineuses et élaborées.

     

     

     

    En ce qui concerne le style de cheveux des femmes du XVIIIe, au début du siècle on continue toujours à utiliser celui qui venait d'une mode de la fin du siècle antérieur : le style "Fontange".

      

    Son nom a été créé par la Duchesse de Fontange, qui lors d’une journée de chasse avec le roi de France Louis XIV, s’est pris la chevelure dans la branche d'un arbre, et pour réarranger le cheveu l'a empilé sur sa tête. Le roi est resté fasciné par cette coiffure accidentelle, et l’a priée de toujours la conserver. Ce style a été à la mode plus ou moins jusqu'en 1720.

     

     

    Sous le règne de Louis XV les coutumes ont changé et les cheveux féminins ont eu un autre style plus simple. Un style dénommé "tête de mouton" (tête de brebis), avec de courtes boucles et quelques grosses mèches de cheveux sur la nuque. Les femmes n'ont pas utilisé de perruques jusqu'à 1770. À partir de là, les coiffures - artificielles - sont devenues de plus en plus hautes et plus élaborées.

     

     

    EXEMPLES DE STYLES DE COIFFURES FEMININES AU XVIIIe SIECLE:

     

    Adélaïde Labille-Guiard, Femme écrivant une lettre à ses enfants, mba Quimper,

     

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    Adélaïde Labille-Guiard, Portrait de madame de Genlis, 1790, LACMA Los Angeles

      

      

    Emily La Touche à la harpe

    (Photo Christie's - Emily La Touche à la harpe) 

      

      

      

    EXEMPLES DE STYLES DE COIFFURES MASCULINES AU XVIIIe SIECLE:

     

      

      

    LE CHANGEMENT APRÈS LA RÉVOLUTION FRANÇAISE:

    Déjà près de la fin du siècle le style magnifique et éblouissant de la noblesse européenne était l'objet de critiques des philosophes de l'Illustration. Non seulement le style de vêtements et de coiffures, mais le style d'art même, le rococo, était fort critiqué.

     

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    Photo Piasa - Portrait de Marie-Thérèse Legendre de Villemorin, pastel

      

    A ce moment, la bourgeoisie - la classe sans noblesse - devient puissante et influente; tout le système, politique, économique, social et culturel est controversé par les principaux penseurs. En principe, les bourgeois riches imitaient en tout les nobles, ils voulaient être comme eux.

      

    Mais quand ils deviennent puissants et auto-suffisants, ils critiquent tout le système de l’Ancien Régime, repoussent toute sa structure sociale et naturellement, ses coutumes.

     

     

     Christies pastel portrait girl 2010 06

    (Photo Christie's - touchant portrait de jeune fille, vers 1786-89)

      

    Avec l'arrivée de la Révolution Française, le luxe et l'ostentation sont mal vus par tout le monde. La nouvelle société adopte un style plus sobre et se tourne vers la simplicité ; du rococo il passera au néo-classique, style artistique qui récupère l'esthétique grecque antique. Et ce sera aussi le style en accord avec le romantisme, qui s'imposera à la fin du XVIIIe siècle et prédominera sur presque tout le XIXe siècle.

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    Ce n’est pas un pastel mais une petite merveille de dessin.
    La coiffure permet de dater de 1788-91, il est d’une excellente main.
    C’est du dessin.
    Tout d'abord, il exprime merveilleusement ces temps durs de la Révolution française, des gens jeunes, avec un fond d’idéal, une dureté, mais toujours les sens du beau du XVIII°.
    L’expression est remarquable
    Ensuite la lumière vient du haut, comme cela se fait de plus en plus avec les verrières métalliques, mais aussi légèrement de droite.
    Il s’agit d’un éclairage nouveau, contraire à toute la tradition du portrait.

     

    Les changements philosophiques, la forme de pensée de la société changent la coiffure. Petit à petit, les perruques cessent de s'employer, et le cheveu s’emploie au naturel, sans poudre.

     

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    (Photo Interenchères – Portrait de François Gorsse par J-B Perronneau)

      

    La Révolution et le changement de tout le système a été brusque et subit - bien qu'il fût déjà annoncé - à la suite d'un coup législatif des députés bourgeois avec appui de la part du clergé et de la noblesse, mais le changement de coutumes n'a pas été si rapide. Toutes les images de Robespierre et Danton, deux leaders de la Révolution, les montrent avec des perruques poudrées, jusqu'à leur mort par la guillotine.

     

     

    Pastel révolutionaire Aguttes(Photo Aguttes - petit portrait d'un révolutionnaire ) 

      

    En revanche, Jean Paul Marat, l'autre leader révolutionnaire, utilisait déjà la nouvelle esthétique. Et celui des gérants principaux de la Révolution, le peintre Jacques Louis David, était déjà inscrit totalement dans le style néo-classique, à travers ses oeuvres et dans son esthétique personnelle.

     

    À mesure que le néo-classicisme s'impose, les coiffures changent.

      

    Lorsque arrive au pouvoir Napoléon Bonaparte, déjà peu utiliseront des perruques ; le style Empire montre tous les législateurs et hommes politiques avec le cheveu naturel, peigné d'une manière informelle, symbole d'une nouvelle ère d'indépendance de pensée.

     

    Mg_capet_mme_jl_germain_ne_frondard

     

    (Photo Brissonneau - Daguerre : Magnifique portrait de Mme JL Germain née Frondard ou Fondard par Marie-Gabrielle Capet) 
     

    Les militaires sont les derniers à abandonner le vieux style, mais dans l'armée napoléonienne déjà presque tous sont avec le cheveu naturel. Les femmes, déjà à la fin de l'ère révolutionnaire, cessent complètement d'utiliser les coiffures hautes et élaborées et portent le cheveu sans le couvrir, avec une chute presque naturelle, tenue avec des peignes de coquille de tortue, des épingles, ou des rubans, au lieu des ornements complexes.

      

     

     Cette pastelliste est une des meilleures françaises de la génération Louis XVI. Elève d’ Adélaïde Labille Guiard (1749 1801), elle en a le professionnalisme et l’émotion, mais ici l’ambiance douce, un cadrage aéré parfaitement de son temps illustrent l’exacte transition entre le portrait XVIIIeme et le portrait romantique . Le site siefar.org donne un inventaire de son œuvre, ce portrait n’y figure pas encore. Très joli travail de portraitiste.
    A Drouot sera présentée une pair (rareté) dans des cadres ovales XIXeme (donc à réencadrer). Le mari est d'une très belle qualité également.

      



    Mg_capet_m_fda_jl_germain (Photo Brissonneau - Daguerre : le pendant M. F ...par Marie-Gabrielle Capet)

     

     

    Peut-être les premiers à abandonner le vieux style de perruques et de coiffures très élaborées ont été, paradoxalement, les mêmes aristocrates qui les ont imposées. Par crainte d’être reconnus et vraisemblablement emprisonnés et guillotinés durant l'Ère de la Terreur de Robespierre (1790-1793), ils sortaient de leurs maisons habillés simplement et avec des coiffures naturelles ; sans perruques, naturellement, avec le cheveu court, sans le couvrir et une coiffure de style néoclassique. En réalité, il n'y avait pas de lieu où utiliser l’ancien style de cheveu.

      

      

      

    A cette époque, dans le reste de l'Europe on a commencé à pratiquer le même type de coupes et de coiffures. Le 19e siècle était annoncé par une mode totalement distincte.

     

     Maire_gabrielle_capet_autoportrait

     

     (Photo artnet.com - détail d’un autoportrait de la jolie et talentueuse Marie-Gabrielle Capet)

     

     

     

    http://olharfeliz.typepad.com/pastels/chronique_des_ventes/page/2/

     

     

    Button, French, 1775, miniature painting on ivory. Metropolitan Museum of Art. 

     

     

     

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