En 1792, un an après le fiasco de Varennes et l'échec de la fuite à l'étranger, Marie-Antoinette et son époux Louis XVI sont assignés aux Tuileries. la comtesse Elizabeth de Sutherland, épouse de l'ambassadeur d'Angleterre qui aurait aidé, dit-on, à la tentative de Varennes. Cette dernière partagera les ultimes moments de la famille royale avant "le dernier assaut" du 10 août 1792 et l'incarcération dans le donjon du Temple. |
Tout cela est fort intéressant... Mais les biographies de Marie Antoinette ne mentionnent pas l'assistance de cette si fidèle amie... Si ?
Pas même de Sutherland dans l'index à la bio faite par Lady Fraser...
A la lecture du Journal de Gouverneur Morris, il ne lui a pas été si facile de sortir de France...
Il fréquente assidûment le couple Gower / Sutherland ; voici ce qu'il note au jour le jour, entre deux commentaires météorologiques :
5 août
Je vais à la cour ce matin.
Rien de remarquable, sinon que personne ne s'est couché dans l'attente d'être assassiné.
(...)
Après le dîner, je fais une visite à lady Sutherland, et je m'entretiens quelque temps avec Lord Gower.
Il fait encore très chaud.
(...)
8 août
Après l'avoir reconduite chez elle (Mme de Flahaut), je me rends chez lady Sutherland, à qui je fais une assez longue visite. Elle ira demain à la cour.
Il fait encore très chaud.
(...)
9 août
Paris est très agité ce matin. M. de Monciel vient m'apporter de l'argent. Je m'habille et me rends à la cour.
(...)
10 août
(...)
Le château défendu par les seuls Suisses, est emporté, et les Suisses sont massacrés partout où on les trouve. Le roi et la reine sont à l'Assemblée Nationale, qui a décrété la suspension du pouvoir royal. (...)
Il continue de faire très chaud, ou, pour le moins brûlant.
(...)
11 août
Le roi et la reine restent à l'Assemblée, qui obéit de plus en plus aux ordres des tribunes. Nous sommes tranquilles ici. (...) Il continue de faire très chaud. M. de Saint Pardon vient dans la soirée et semble rongé de chagrin. Je lui demande de faire savoir à la famille royale, au cas où il la verrait, que des secours vont lui arriver.
12 août
(...)
J'ai été chez lady Sutherland qui est un peu abattue.
(...) Le temps est encore très chaud et lourd.
(...)
17 août
(...)
Ensuite je fais une visite à lady Sutherland, et après que son monde est parti nous prenons le thé. Il pleut ce soir et il fait un peu plus frais.
M. de Sainte Foy qui est venu ce matin dit que le roi, la reine et la famille royale sont traités de la façon la plus honteuse. Il donne de pénibles détails. Lord Gower est prudent à l'extrême.
(...)
20 août
Je fais une visite l'après-midi à lady Sutherland.
L'ambassadeur a reçu l'ordre de rentrer en Angleterre ; à la fin de la dépêche sont des menaces au cas où le roi et sa famille seraient insultés, parce que cela exciterait l'indignation de toute l'Europe.
Cette dépêche signifie simplement en bon français que la cour d'Angleterre est irritée de ce qui est déjà fait, et qu'elle fera immédiatement la guerre, si la façon dont est traité le roi autorise ou justifie les mesures extrêmes.
21 août
(...)Je fais ma visite d'adieu à lady Sutherland. Elle n'a pas encore pu avoir ses passeports. L'ambassadeur de Venise a été ramené et traité de la façon la plus indigne ; ses papiers mêmes ont été examinés. Ceci est fort, er je me pose la question de savoir si je devrais pas exprimer mon mécontentement en quittant le pays.
(...) le soir je vais souper chez lady Sutherland. Elle ne peut obtenir ses passeports et l'ambassadeur est dans une rage folle. Il a brûlé ses papiers, ce que je ne veux pas faire.
(...) Le temps est agréable et je suis très gai, ce que Sutherland supporte avec peine.
22 août
Nouvelle visite aujourd'hui à lady Sutherland.
Elle a reçu de M. Lebrun une lettre polie et elle espère obtenir des passeports rapidement. Son mari est tellement prudent que si ce n'est pas de la timidité comme on l'en accuse, c'est du moins quelque chose de très approchant.
23 août
(...)
Je dîne chez l'ambassadeur d'Angleterre, et après le dîner l'ambassadeur de Venise arrive avec M. Tronchin. Ce dernier dit que l'Assemblée a permis au corps diplomatique de partir, mais non aux particuliers.
25 août
(...)
Je fais une visite à lady Sutherland. On termine hâtivement chez elle les préparatifs du départ. Peu de monde à dîner ; je lui dis adieu, pour longtemps peut-être.
Pour sûr, si la comtesse de Sutherland voyageait avec ces quelques pierres et perles de Marie-Antoinette, son mari n'était certainement pas au courant !