• La chasse aux mauvais propos

     

    Au XVIIIè siècle, avant la Révolution française, le peuple effraie.

      

    Cette masse mouvante, inculte et misérable qui sillonne la France d'une ville à l'autre, d'une campagne à l'autre, à la recherche d'emplois saisonniers est soupçonnée d'être la cause de tous les troubles et de tous les dangers.

      

    Dans cette société extrèmement hierarchisée, point trop de salut pour le pauvre; son seul recours est Dieu, mais dans la mesure ou Dieu a décidé de sa condition...?

      


    Le peuple, au bord de la misère, souvent taxé "d'imbécillité", est sous surveillance constante.

      

    On craint son effervescence, ses humeurs, ses colères, "pour les contemporains, la foule est femelle, donc basse, passionnelle et dépourvue de pensée" (Arlette Farge).

      

      

    Le peuple, lui, craint, à juste titre, la justice: pas d'avocats pour sa défense, pas de code national pour déterminer les délits et la nature des peines.

      


    La France est régie par des coutumes, des juridictions seigneuriales, ec

      

      

    clésiastiques ou parlementaires, qui varient d'une province à l'autre. Un pays sans droit unique .

      

      

    L'arbitraire est roi, et pourtant, des philosophes, des hommes éclairés réflechissent à la justice et à son fonctionnement, d'abord timidement, par peur de la censure et de l'embastillement, puis parleront bientôt d'égalité, de liberté, mais sans vraiment repenser le système pénal, sauf dans les dernières années du siècle.

    En attendant, la population, objet de toutes les craintes royales, est sous contrôle. Paris, plus particulièrement, est surveillé. Pour l' "assainir", on piste les prostituées, mais aussi les juifs, les étrangers, les livres suspects. Des officiers de police assermentés ou des "mouches"
      
    (mouchards payés par la police et souvent connus de la population) se placent dans des endroits clés (églises, tavernes) écoutent les propos de la populace et les consignent par écrit.
     
     
    Critiquer dans une taverne ou sur une place publique le roi, ses ministres, pester contre les fermiers généraux, contre la vie chère ou le prix de pain est considéré comme des "mauvais propos", leurs auteurs sont pourchassés, arrêtés et internés soit à la Bastille, soit à Bicêtre pour les hommes ou à la Salpétrière pour les femmes "lieux d'horreur et de misère (Sébastien Mercier), où les déments côtoient les prostituées, les mendiants..
      

    Une façon pour le roi d'humer l'air du temps et de se tenir au courant de l'état de "santé" de sa nation...

    A lire , "Condamnés au XVIIIè siècle" d'Arlette Farge paru aux Editions Thierry Magnier.
    Un livre passionnant (dont je n'ai donné ici qu'un tout petit aperçu) qui analyse avec rigueur et sensibilité cette "justice" et cette société du XVIIIème.

     

     

    DeliciousGoogle Bookmarks

    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique