•  

     

    La passion de Marie Antoinette pour les planches remonte à sa plus petite enfance.  Pratiquer les arts était chez les Habsbourg une tradition familiale et, à moins de quatre ans, l'archiduchesse Antonia, revêtue d'une somptueuse robe de cour, participe déjà à un petit spectacle en l'honneur de son père.

    Plas tard, lorsqu'on songera à la préparer à sa future entrée à Versailles, on lui donnera pour professeurs deux acteurs, Aufresne pour la prononciation, nous révèle Madame Campan, et un nommé Sainville pour le goût du chant français. Choix qui déplaît à la cour de France...

    Cet amour de la scène ne la quitta pas. Devenue dauphine, Marie Antoinette interprétait avec ses beaux-frères et ses belles-soeurs toutes les bonnes comédies du théâtre français, précise Madame Campan. Cette activité se passait dans le plus grand secret, pour échapper à la censure de Mesdames Tantes et à l'interdiction subséquente de Louis XV. Monsieur connaissait sa partie à merveille, le comte d'Artois ne se débrouillait pas trop mal, les princesses jouaient mal et Marie Antoinette avec finesse et sentiment. Quant au dauphin, il s'acquittait du rôle du public avec enthousiasme.

    Lorsqu'elle obtient et remodèle Trianon, Marie Antoinette, fidèle à son amour de la comédie, décide d'y faire construire un théâtre. En 1777, elle demande donc à Mique de s'en charger, en s'inspirant de la salle du château de Choisy construite par Gabriel. Les travaux, commencés en juin 1778, prennent fin en août 1779. Comme à son habitude, la reine a surveillé les moindres détails de sa réalisation. Le théâtre ne sera toutefois inauguré qu’en août 1780.


    Entrée du petit théatre, avec les colonnes ioniques et la scupture du fronton, due à Deschamps

    Le bâtiment n'attire pas l'attention, car il devait être dissimulé entre une montagne artificielle et la charmille du jardin français. Mais les deux colonnes de style ionique, apparaissant au bout d'une allée d'arbres, signalent un édifice néoclassique. La sculpure en pierre qui orne le fronton triangulaire est consacrée à Apollon enfant entouré des attributs de la comédie et de la tragédie.

     

    Mais entrons...


    Le vestibule d'entrée

    L'intérieur est un véritable joyau.



    La scène elle-même est pourvue de tous les perfectionnements.




    La scène, récemment exploitée
    http://www.fipa.tm.fr/fr/programmes/2007/mus_16187.htm

    La salle est tendue de bleu. Partout, la reine a accordé une attention toute particulière aux tissus et aux drapés.



    Les consoles du balcon figurent des dépouilles de lions, emblêmes des rois.



    Le parterre est encadré de deux baignoires ceinturées de balustrades et d’un balcon au premier étage.

    Le plafond est peint par Lagrenée.


    Apollon, Melpomène et Thalie avec les Grâces et la Renommée montée sur Pégase et des amours tenant des guirlandes de fleurs
    par Lagrénée, d'après Paulet


    Aux temps troublés de la révolution, les visiteurs chercheront en vain les rivières de diamants coulant à flots dans cet adorable écrin bleu : si leurs dorures charment l'oeil, les décors sculptés sont en carton-pâte.


    Décor de l'avant-scène, femme tenant une guirlande de fleurs sur fond de faux rideau, par Deschamps

    Nulle part mieux, peut-être, que dans ce minuscule théâtre n'apparaît le goût exquis de Marie Antoinette, sa prédilection pour la beauté et l'intimité.


    Torchère d'avant scène, par Deschamps


    _________________

    Dans son petit théâtre bâti pour une souveraine à l'échelle humaine, Marie Antoinette sera tour à tour actrice et spectatrice. Avec ses proches, elle formera la Troupe des Seigneurs, qui jouera des pièces à la mode à l'époque.

    Elle sera ainsi Colette dans Le Devin du Village de Jean Jacques Rousseau, elle se produira également dans des pièces de Sedaine, dont Grimm a consigné ses impressions dans son journal à la date du 20 octobre 1780 :

    Les spectacles donnés ces jours passés dans la jolie salle de Trianon intéressent trop l'honneur... et la gloire de M. Sedaine pour ne pas nous permettre d'en conserver le souvenirs dans nos fastes littéraires. On n'a jamais vu, on ne verra sans doute jamais "Le Roi et le Fermier" ni "La Gageure imprévue" joués par de plus augustes acteurs, ni devant un auditoire plus imposant et mieux choisi. La reine, à qui aucune grâce n'est étrangère, et qui sait les adopter toutes sans perdre jamais celle qui lui est propre, jouait dans la première le rôle de Jenny, dans la seconde celui de la soubrette. Tous les autres rôles étaient remplis par des personnes de la société intime de leurs Majestés et la famille royale. M. le comte d'Artois a joué le rôle du valet dans la première pièce et celui d'un garde-chasse dans la seconde. C'est Caillot et Richer qui ont eu l'honneur de former cette illustre troupe. M. le comte de Vaudreuil, le meilleur acteur de société qu'il y ait peut-être à Paris, faisait le rôle de Richard; Mme la duchesse de Guiche (la fille de Mme la comtesse Jules de Polignac) dont Horace aurait bien pu dire "matre pulchra filia pulchrior" (une fille plus charmante encore que sa charmante mère) celui de la petite Betzi, la comtesse Diane de Polignac celui de la mère, le comte d'Adhémar celui du roi.


    la scène sous la lumière ambiante

    Si les mauvaises langues clament à la cantonnade que c'est royalement mal joué, on s'accorde à reconnaître que le niveau est estimable pour du théâtre d'amateurs, et même l'acariâtre Mercy ne trouve à ces divertissements pas grand chose à reprocher :

    Depuis un mois, rapporte-t-il à son impératrice, toutes les occupations de la reine et tous ses amusements se sont concentrés dans le seul et unique objet de deux petits spectacles représentés sur le théâtre de Trianon. Le temps nécessaire à apprendre les rôles, celui qui a dû être employé à de fréquentes répétitions, joint à d'autres détails accessoires, a été plus que suffisant pour remplir les journées. Le roi, en assistant fort assidûment à tous ces apprêts, a donné preuve du goût qu'il prend à ce genre de dissipation... La reine a persisté dans la résolution de n'admettre d'autres spectateurs que les princes et les princesses de la famille royale, sans personne de leur suite. Je sais par les gens de service en sous-ordre, les seuls qui aient entrée au théâtre, que les représentations s'y sont faites avec beaucoup d'agrément, de grâce et de gaieté, et que le roi en marque une satisfaction qui se manifeste par des applaudissements continuels, particulièrement quand la reine exécute les morceaux de son rôle.


    le théâtre dans la lumière ambiante

    Mais ces spectacles se font, comme le souligne Mercy, en comité restreint. C'est ainsi que la reine répond au duc de Fronsac, qui espérait en vain une invitation, mais d’ailleurs je vous ai déjà fait connaître mes volontés sur Trianon : je n’y tiens point de cour : j’y vis en particulière. Les exclus ne tardent pas à se plaindre et à répandre les pires rumeurs sur les activités du petit théâtre.

    Après la mort de Marie Thérèse, survenue le 29 novembre 1780, Marie Antoinette se retire et laisse la scène aux acteurs de la Comédie Française, de la Comédie Italienne et de l'Opéra. L’Iphigénie en Tauride de Gluck est montée en l’honneur de l’empereur Joseph II en 1781. En 1782, lors de la visite discrète du Tsarévitch, fils de Catherine II de Russie, on applaudira Zémyre et Azor de Grétry.

    En août 1785, Marie Antoinette remonte sur les planches pour interpréter une excellente Rosine, selon les témoins, dans Le Barbier de Séville de Beaumarchais. Ce sera son dernier rôle. 

     

     
     
     
    DeliciousGoogle Bookmarks Pin It

    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique